blindshaft

    Loin des 10% de croissance annuelle sur lesquels les médias sont intarissables, Blind Shaft nous montre une autre réalité de la Chine... Ici, nul costume châtoyant, nul empereur et/ou concubine, nul maître des arts martiaux... La Chine de Li Yang, c'est celle du quotidien des mineurs du Nord de la Chine. Deux filous, Song Jinming (Li Yixiang) et Tang Zhaoyang (Wang Shuangbao), meurtriers impénitents, laissés-pour-compte d'un système défaillant, montent une arnaque. Pour cela, il leur faut un pigeon susceptible d'endosser le rôle du neveu de Song. Leur victime, c'est l'innocence même, Yuan Fengming (Wang Baoquiang)... Seize ans, abandonné par les siens, désespéré, il accepte d'entrer dans la combine... Ne sachant pas qu'il est condamné à mourir "accidentellement" au fond de la mine.

    Blind shaft est un film politique, engagé et émouvant, adapté du roman Le Puits de Liu Qingbang. Tourné de façon tout à fait illégale, caméra à l'épaule, véritable film de contrebande, il explore les méandres de cette misère qui engendre la misère. La faim ne justifie-t-elle pas les moyens? Song et Tang en sont intimement persuadés dans ce long métrage qui est littéralement porté par ses interprètes, dont la justesse du jeu suscite l'émotion.

    Au pays de la croissance record, il n'est guère apprécié de vouloir montrer le revers de la médaille : le film y est censuré. Cette critique pleine de verve du communisme de marché et des dérégulations qu'il entraîne a suscité l'enthousiasme du jury du festival du film asiatique de Dauville en 2003 : Blind shaft y a été récompensé du Lotus du Meilleur film, du Lotus du Meilleur réalisateur, du Lotus du Meilleur acteur (pour Wang Baoquiang). Les spectateurs l'ont suivi en lui décernant le Lotus du public.
Le film a également obtenu un Ours d'Argent de la meilleure contribution artistique au Festival de Berlin 2003.
Une avalanche de récompenses que mérite pleinement cette œuvre forte.