Le scandale et la polémique

Porfolio, site internet du Monde, 3/02/06, mis à jour le 8/02/06



"Les douze visages de Mahomet"
En septembre 2005, le quotidien danois "Jyllands-Posten" publie douze caricatures représentant le Prophète. L'une d'elles le montre affublé d'un turban en forme de bombe à la mèche allumée ; une autre représente un mollah arrêtant un flot de candidats à l'attentat-suicide : "Nous sommes en rupture de stock de vierges." Ces dessins sont repris en janvier 2006, malgré les protestations croissantes d'organisations musulmanes, par le journal norvégien "Magazinet".
 AFP/HOLM, MORTEN

 
Au nom de la liberté d'expression
 Plusieurs journaux européens prennent le parti, au plus fort de la polémique, de reproduire les caricatures du "Jyllands-Posten", parfois à la "une" ou en pages intérieures. D'autres illustrent leurs articles sur cette affaire par des dessins de leurs propres caricaturistes, qui ne manquent pas de soutenir le droit à la libre expression.
 REUTERS/CHARLES PLATIAU     


Une "bombe" à la "une"
 Le quotidien allemand "Die Welt" (conservateur) est le seul grand journal européen à reproduire en "une" l'une des caricatures danoises. Dans son éditorial, le journal écrit : "On prendrait les protestations musulmanes plus au sérieux si elles étaient moins hypocrites. Quand la télévision syrienne a diffusé en prime-time des drames documentaires montrant des rabbins en cannibales, les imams se sont tus." Hendrik Zijrner, porte-parole de la Fédération des journalistes allemands (DJV), se dit en revanche hostile à la publication des caricatures. Le code de déontologie de la presse allemande, rappelle-t-il, proscrit les articles ou images susceptibles de porter une grave atteinte "aux sentiments religieux ou moraux d'un groupe de personnes".
 DR     


Oui, on a le droit de caricaturer Dieu, mais...
 La polémique gagne la France après la publication par "France Soir", mercredi 1er février, des caricatures. "Il n'y a dans les dessins incriminés aucune intention raciste, aucune volonté de dénigrement d'une communauté en tant que telle", estime son rédacteur en chef, Serge Faubert. "C'est odieux, nous désapprouvons totalement cela, c'est une vraie provocation vis-à-vis des millions de musulmans en France", réagit Dalil Boubakeur, président du Conseil français du culte musulman.
 AFP/PASCAL PAVANI     


Le patron de "France Soir" renvoyé
 Le soir même de la reproduction dans les pages de "France Soir" des douze caricatures représentant Mahomet, le propriétaire du quotidien, le Franco-Egyptien Raymond Lakah, licencie son directeur de la publication, Jacques Lefranc, et présente ses regrets aux lecteurs. La veille, le gouvernement français avait défendu le droit à la libre expression en France, tout en prenant ses distances avec le journal.
 AFP/PASCAL PAVANI

 
Les caricatures de Mahomet sur le site de "Courrier international"
 L'hebdomadaire français, qui reprend des articles de la presse internationale, a pris le parti de publier l'ensemble des caricatures incriminées sur son site Internet. "Au-delà du débat entre la liberté d'expression et le respect des convictions religieuses, l'occasion était trop belle pour que les semeurs de zizanie et autres imprécateurs de tout poil ne s'en emparent. Voici les douze dessins publiés le 30 septembre dernier par 'Jyllands-Posten'. Méritaient-ils vraiment tant de bruit ?", interroge le texte d'accompagnement.
 DR     


Peut-on rire de tout ?
 La "Tribune de Genève" publie les caricatures dans ses pages intérieures afin, selon le rédacteur en chef du quotidien, d'"alimenter le débat en montrant l'objet du délit". "Cette affaire est une illustration du choc entre une culture très sécularisée comme la nôtre et une autre culture où la religion est centrale", explique Dominique von Burg. "On peut comprendre les sentiments des musulmans, mais nous sommes dans un Etat pluraliste, on a le droit de faire ça." "Peut-on rire de tout ?", se demande en revanche le caricaturiste du journal.
 DR     


"Mahomet avec un gros nez"
 "Le Temps", l'autre quotidien genevois, publie en pages intérieures une petite reproduction d'une des caricatures danoises, alors que son dessinateur, Chappatte, se représente lui-même, terrifié, dans un dessin publié à la "une". "Toutes proportions gardées, cette réaction rappelle la fatwa lancée en 1989 contre Salman Rushdie, estime le journal dans son éditorial. C'est oublier qu'en régime démocratique, le sacré n'a pas tous les droits. La liberté de la presse et la liberté d'expression sont des acquis fondamentaux des sociétés démocratiques, et ces dernières n'ont pas à s'incliner devant des revendications qui mettent en danger des principes gagnés de haute lutte."
 DR     


"Chape de plomb"
 Sans montrer les dessins incriminés, "Le Monde" donne la parole à huit dessinateurs français, dont Plantu, qui illustre la "manchette" du journal et dénonce une "chape de plomb qui tombe sur les dessinateurs de presse et les humoristes" quand il s'agit d'affaires de religion. "On ne se rend pas compte à quel point (...) il est devenu impossible de critiquer les religieux", souligne-t-il. "Une démocratie ne saurait instaurer une police de l'opinion, sauf à fouler aux pieds les droits de l'homme", écrit le journal dans son éditorial intitulé "Caricatures libres".     


En Jordanie, le drapeau danois brûle, un journal jordanien se démarque
 L'hebdomadaire "Shihane" reproduit trois des caricatures, notamment celle qui représente le Prophète portant une bombe en guise de turban. Le rédacteur en chef, Jihad Momani, signe un éditorial où il se demande : "Qu'est-ce qui porte plus préjudice à l'islam, ces caricatures ou bien les images d'un preneur d'otage qui égorge sa victime devant les caméras, ou encore un kamikaze qui se fait exploser au milieu d'un mariage à Amman ?"
 AP/EMILIO MORENATTI

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