La colère monte dans le monde arabe
NOUVELOBS.COM | 04.02.06 | 11:08
Alors
que les réactions scandalisées affluent du monde
musulman, les manifestations se succèdent à Falloujah,
Jakarta, Gaza ou Téhéran.
Les caricatures de Mahomet
publiées il y a quatre mois par un journal danois et reproduites
depuis dans plusieurs quotidiens européens au nom de la
liberté d'expression ont continué d'alimenter la vague de
colère dans l'ensemble du monde musulman vendredi 3
février, jour de prière dans l'islam.
En Indonésie, premier pays
musulman au monde, quelque 150 manifestants ont jeté des oeufs
sur l'ambassade du Danemark et brûlé le drapeau de cette
représentation diplomatique à Djakarta.
Au Pakistan, le Parlement a
adopté à l'unanimité une résolution
condamnant les dessins du prophète. Dans ce texte, il appelle le
gouvernement à prendre "des mesures politiques et
économique pour empêcher un comportement barbare" de la
part des médias européens. Le président Pervez
Musharraf a estimé que la liberté de la presse ne pouvait
pas justifier la publication des caricatures. "J'ai été
blessé, affligé et je suis en colère", a
confié le général Musharraf,
dénonçant une "campagne cruelle, scandaleuse et
provocatrice".
Environ 1.200 personnes ont
manifesté à Karachi, quelques centaines à Lahore
et environ 800 à Islamabad, des chiffres à rapporter
à la population du Pakistan qui est d'environ 150 millions
d'âmes. Dans la capitale, ont résonné des slogans
tels que "A mort, le Danemark" et "A mort, la France".
Proche-Orient
Les protestations ont été beaucoup plus massives dans les territoires palestiniens.
Environ 10.000 personnes sont
descendues dans la rue à Gaza. Dans la matinée, des
activistes ont lancé une bombe contre le Centre culturel
français. Personne n'a été blessé dans cet
attentat perpétré vers 2h du matin, alors que les locaux
étaient vides.
Une dizaine de drapeaux danois ont
été brûlés à Naplouse (Cisjordanie).
"S'ils veulent une guerre de religion, nous sommes prêts", a
lancé Hassan Sharaf, un imam de Naplouse, durant la
prière du vendredi, avant la manifestation qui a réuni
des milliers de personnes.
"Ben Laden chéri, il faut
faire sauter le Danemark", ont scandé des manifestants à
Ramallah (Cisjordanie). A Jénine, les protestataires ont
brûlé des fromages et d'autres produits laitiers danois.
Plusieurs supermarchés ont
retiré les produits danois et français de leurs rayons.
Des appels au boycottage ont été relayés dans les
territoires palestiniens comme en Irak.
Plusieurs milliers de fidèles
ont manifesté sur l'esplanade des Mosquées à
Jérusalem peu après la grande prière du vendredi.
"Les condamnations ne suffisent pas, il faut riposter par le feu", ont
crié les manifestants, scandant des slogans contre le Danemark,
la France et la Norvège.
Lors du prêche qui a
précédé la prière, le prédicateur
Mohammad Hussein a vivement dénoncé la publication des
caricatures du prophète Mahomet, la qualifiant "d'agression
flagrante contre l'islam et une expression de dédain à
l'encontre de la nation musulmane".
Irak
Dans une mosquée de Bagdad,
l'imam sunnite Hahmoud el-Sumaidaei a appelé les fidèles
à boycotter le Danemark, la France et la Norvège (...)
économiquement, politiquement et diplomatiquement".
Si le grand ayatollah Ali al-Sistani
a "fermement dénoncé et condamné" les caricatures,
ce dignitaire qui est le plus haut responsable chiite d'Irak a
estimé que des segments "malavisés et oppressifs" de la
communauté musulmane "projetaient une image
déformée et sombre de la foi de justice, d'amour et de
fraternité".
Des centaines d'Irakiens ont
également manifesté après les prières pour
exprimer leur colère dans les villes sunnite de Falloujah et
chiite de Bassorah. Des manifestants ont brûlé des
produits danois collectés par la population en scandant "Allah
wou Akbar", "il n'y a de Dieu que Dieu et Mahomet est son
prophète".
Rasmussen tient bon
Le Premier ministre danois, Anders
Fogh Rasmussen, a rencontré plus de 70 ambassadeurs pour leur
expliquer la position de Copenhague dans ce dossier. Il a
répété que son gouvernement refusait de
s'ingérer dans les affaires de la presse.
Mona Omar Attia, ambassadeur
d'Egypte, a jugé cette réponse insuffisante. Elle a
considéré que "le gouvernement du Danemark devait faire
quelque chose (...) pour apaiser tout le monde musulman".
Insulte, crime
Du côté des
réactions, le directeur de la chaîne qatarie Al-Jazira,
Wadah Khanfar, a qualifié "d'insulte pour un milliard de
musulmans", les caricatures publiées tandis que le roi Abdallah
II de Jordanie a indiqué que "l'insulte" au prophète de
l'islam était un "crime injustifiable". La Jordanie (...) est
attachée au respect des principes de l'islam fondés sur
le respect des religions et de leurs prophètes" a-t-il
indiqué.
Quant à l'ancien
président iranien Akbar Hachémi Rafsandjani, il a
espéré que les réactions de colère à
la publication de caricatures du prophète Mahomet "seront une
leçon pour ces gens".
"Quelques journaux ont commis un acte
laid", a-t-il poursuivi en expliquant qu'"ils font cela au nom de la
liberté d'expression". Mais, a-t-il ajouté, "si la
liberté d'expression consiste à pouvoir insulter
l'être le plus cher dans le cœur d'un quart de la
population mondiale, alors chacun d'entre eux peut réagir comme
ils le font actuellement et cela va devenir encore pire".
"Mort au Danemark"
Une manifestation rassemblant
quelques milliers d'Iraniens a eu lieu ensuite sur la place Enquelab,
à Téhéran, à la fin de la prière du
vendredi. Les participants ont notamment crié "Mort au Danemark"
et le traditionnel "Mort à l'Amérique".
Un peu plus tôt, des musulmans
fondamentalistes avaient manifesté devant les locaux de
l'ambassade du Danemark à Jakarta. Quelques centaines de
contestataires étaient rassemblés à
l'extérieur au cri de "Partons pour le "jihad" (guerre sainte)!
Nous sommes prêts pour le "jihad""! On pouvait aussi lire sur une
banderole: "Massacrons l'ambassadeur danois". (avec AP)